Les planches de l'Encyclopédie : sources & polémiques
Entreprise emblématique des Lumières, l’Encyclopédie (1751-1772) doit une bonne partie de son formidable écho à sa composante technologique, illustrée à une échelle jusque-là inconnue. Les 11 volumes de planches, publiés à partir de 1761, proposaient la plus vaste collection d’images relatives aux « arts mécaniques » jamais rassemblée. Diderot entendait bien mettre en valeur cette part souvent méprisée de l’activité humaine, qu’il fallait envisager « comme la branche la plus importante de la vraie Philosophie ». Il dut renverser les préjugés, rassembler une vaste documentation complétée par de nouvelles enquêtes, s’entourer de collaborateurs aptes à dominer l’étendue des domaines embrassés, se coordonner avec des dessinateurs experts, et travailler en bonne intelligence avec les artisans du livre, notamment graveurs et imprimeurs.
Mais l’Encyclopédie n’était pas la première grande enquête sur les arts et métiers. Sous l’égide de l’Académie des Sciences, un projet de description complète avait été lancé dès 1693. Visant cependant un public restreint, il était en voie d’abandon dans les années 1740. De nombreuses gravures avaient été exécutées depuis les années 1690, mais elles restaient inexploitées. Diderot retrouva leur trace en 1748 et s’en servit de modèle général comme de sources pour la première mouture des planches de l’Encyclopédie. Cet emprunt fournit matière à scandale en novembre 1759. Ce fut « l’affaire Patte », qui touchait l’Encyclopédie alors qu’elle était déstabilisée par l’interdiction du Parlement, la condamnation du Conseil du roi et sa mise à l’index. Les encyclopédistes, avec le soutien de Malesherbes, surent une nouvelle fois se rétablir, mais il leur fallut réorganiser l’ensemble des planches, qui tripla presque de volume.
Filiations cachées, réemplois ou démarquages ostensibles, retombées polémiques croisées… la relation entre les planches de l’Encyclopédie et celles de la Description des Arts et Métiers de l’Académie des sciences constitue un vaste territoire d’investigation.
Commissariat : Emmanuel Boussuge
chercheur sur contrat rattaché (CELLF - Sorbonne Université-CNRS),
avec la collaboration de Florine Lévecque-Stankiewicz (Mazarine)
et de Marianne Besseyre (bibl. de l'Institut)
Autour de l'exposition : Les planches de l'Encyclopédie en lumière. Mises en perspective et recherches sur le Recueil de planches (1762-1772) de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert (Colloque international – 19-21 mai 2022 - Programme)