Ensemble Diderot

Autour de l'Ozio Regio (1660) : Sonates, Toccatas & Canzonas pour un, deux & quatre violons au temps du cardinal Mazarin

Par l'Ensemble Diderot — Jeudi 28 novembre 2024 —  20h00 — Grande galerie de la Bibliothèque Mazarine —  Réservation

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Johannes Pramsohler, violon
Roldán Bernabé, violon
Louis Créac’h, violon
Guillermo Santonja di Fonzo, violon
Gulrim Choï, violoncelle
Philippe Grisvard, clavecin & orgue

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 PROGRAMME

  • Salamone Rossi (1570-1630)

    Il quarto libro de varie sonate (Venise, 1622)
    Sonata a 4 Violini e 2 Bassi

  • Biagio Marini (1594-1663)

    Sonate op. 8 (Venise, 1629)
    Canzon prima

  • Michelangelo Rossi (1602–1656)

    Erminia sul Giordano (Rome, 1633)
    Sinfonia per introdutione del prologo
    Sinfonia innanzi all’Atto Secondo
    Sinfonia inanzi l’Atto Terzo

  • Giovanni Battista Buonamente (c. 1595–1642)

    Sonate et canzoni, libro sesto (Venise, 1636)
    Sonata prima a 4 violini

  • William Young (16..1662)

    Sonata undecima à 5 (Innsbruck, 1653)

  • Marco Uccellini (1603–1680)

    Ozio Regio, op. 7 (Venise, 1660)
    Toccata prima a quattro violini
    Sonata terza a violino solo
    Toccata seconda a quattro violini
    Sonata nona a due violini

  • Giovanni Legrenzi (1626–1690)

    Sonate op. 8 (Venise, 1664)
    Sonata n° 9 « La Squarzona »
    Sonata n° 10 « La Cremona »

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Créé en 2008 autour du violoniste Johannes Pramsohler, l’Ensemble Diderot a pour vocation de redécouvrir et interpréter sur instruments d’époque le répertoire des 17ème et 18ème siècles. Il s’attache à révéler les liens tissés entre interprètes, compositeurs, cours et écoles d’une Europe musicale baroque sans frontières et prône un partage de ce patrimoine culturel commun. L’Ensemble Diderot se produit régulièrement à l’international et notamment en Allemagne (Philharmonie de Cologne), en Italie (Gustav Mahler Hall de Toblach où l’Ensemble est en résidence depuis 2019), en Autriche (Konzerthaus de Vienne), à la Philharmonie du Luxembourg, en Espagne (Festival de San Sebastian) etc. Depuis 2018, l’Ensemble Diderot collabore avec les éditions Prima la Musica (Royaume-Uni) pour créer à son nom une collection d’inédits regroupant les partitions retrouvées, rééditées et annotées par l’ensemble.

Ensemble Diderot

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 Parme, Venise et Paris : pérénigrations et redécouverte de l’Ozio Regio

Par Yann Sordet, conservateur général des bibliothèques Mazarine & de l'Institut

Excellent violoniste, Marco Uccellini (1603-1680) fut l’un des plus brillants compositeurs de musique instrumentale en Italie du nord, en un temps où ce répertoire gagnait en autonomie et explorait une grande diversité de formes. Musicien de cour et de chapelle, il exerça les fonctions de directeur musical (capo degl' instrumentisti) du duché de Modène, auprès des Este, puis du duché de Parme, auprès des Farnese. L’Ozio regio rassemble une vaste constellation de pièces instrumentales pour un à quatre violons, accompagnés d’une basse continue confiée au théorbe et/ou au clavier. À l’époque de sa composition, Uccellini, musicien déjà accompli, est au service de Laura Martinozzi (1639-1687), l'une des nièces du cardinal Mazarin (les « Mazarinettes »…), devenue duchesse de Modène et de Reggio après avoir épousé Alphonse IV d'Este.

De toute évidence Marco Uccellini, fort de la protection et de la recommandation de la duchesse de Modène, souhaita attirer l’attention de PXL 20241016 085201954.RAW 01.COVER bisson puissant oncle. Le cardinal-ministre Mazarin en effet, depuis 1645, en invitant à la cour de France musiciens et compositeurs, chorégraphes et décorateurs italiens, leur avait procuré le moyen d’étendre leur notoriété et leur succès. Aussi les cinq volumes de l’Ozio regio, imprimés à Venise dans le courant de l’année 1660, furent-ils accompagnés d’une éloquente épître dédicatoire à Mazarin, expression à peine déguisée du formidable désir d’une invitation à Paris. Ils furent de surcroît recouverts d’élégantes reliures de vélin blanc, ornées chacune des armes dorées conjointes de Mazarin et de sa nièce.

Mais Le cardinal-ministre meurt le 9 mars 1661. Et Marco Uccellini ne sera pas invité à la cour de France. Les volumes de l’Ozio regio sont cependant bien arrivés dans le palais Mazarin, alors situé rue de Richelieu, rive droite de la Seine. À partir de l’été 1661, sa formidable bibliothèque fait l’objet d’un inventaire après-décès, dont les quelque deux mille feuillets ont été conservés. Il signale bien la présence des cinq volumes récemment envoyés par « Don Marco Ucellini » à leur dédicataire (Bibl. Mazarine, ms. 4111, f. 145). Quelques années plus tard, en 1668, ils franchissent la Seine, lorsque la bibliothèque de Mazarin devient la Bibliothèque Mazarine, en s’installant quai Conti dans le palais élevé par l’architecte Louis Le Vau, qu’elle ne quittera plus.

Mais l’Ozio regio ne parait pas avoir été manipulé, ni annoté, ni joué, ni copié, ni même cité avant… 1968. À cette date, Claudio Sartori (1913-1994), l’un des plus efficaces bibliographes musicologues du XXe siècle, le signale dans le second volume de sa Bibliografia della musica strumentale italiana stampata in Italia fino al 1700. Ce nouvel instrument de travail offre alors un territoire d’exploration aux musiciens les plus curieux, et aux arpenteurs passionnés des terrae encore incognitae du répertoire baroque. L’Ozio regio attire l’attention, et fait l’objet de reproductions microphotographiques, qui donneront lieu à quelques impressions constituant autant de fac-similés propices aux premières exécutions. Il est aujourd’hui rendu disponible à travers le portail des bibliothèques numériques de l’Institut de France : https://bibnum.institutdefrance.fr/ark:/61562/mz3381.

Le recueil réunit 38 pièces, d’instrumentations variées : pour violon seul, pour deux violons, pour violon et théorbe, pour violon et violone, pour quatre violons, pour quatre violons et deux basses, etc. La diversité des titres retenus (sonates, toccatas, symphonies, courantes dans le style français, courantes dans le style italien…) est caractéristique de formes instrumentales qui, pour partie inspirées des suites de danses, restent très libres dans leur nomenclature, dans l’organisation de leurs mouvements, et dans la détermination des formations pour lesquelles elles sont écrites.

 

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L’Ozio regio a été confié, pour son impression, à l’une des meilleures officines de typographie musicale vénitienne, établie vers 1535 par Antoine Gardane, un compositeur et imprimeur originaire du sud de la France qui italianisa rapidement son nom en Gardano. Il recourut notamment, dès ses premières publications, à un procédé d’impression révolutionnaire, la typographie musicale à un temps, mise au point à Paris dans les années 1520, qui consistait à fondre chaque note séparément, comme un caractère typographique isolé, mais en l’associant avec un segment de portée. Aussi ce procédé permettait-il d’éviter les approximations induites par l’impression dissociée (d’abord les lignes de portée, puis les notes, puis le texte et les signes d’exécution), pratiquée à Venise depuis la fin du XVe siècle. Au début du XVIIe siècle Diamante Gardano, la fille d’Antonio, prit la responsabilité de l’officine en s’associant avec son époux, Bartolomeo Magni. Eux-mêmes, puis leurs héritiers, diffuseront les œuvres des principaux compositeurs italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, de Monteverdi, Merula et Gesualdo, à Cavalli et Vitali.

Un même frontispice orne chacun des cinq volumes de l’Ozio regio, gravé par Lorenzo Tinti (1625-1672) d’après un dessin du peintre Francesco Stringa (1635-1709), qui, également proche de la cour de Modène, sera notamment surintendant des galeries ducales à partir de 1661. Son motif est celui du loisir des princes, à qui la pratique de la musique procure un plaisir autant qu’un répit. Sans doute, sur la planche, ceux-ci ont-ils conservé leur cuirasse, mais ils ont déposé un temps leurs armes, tandis que leurs montures se reposent et que leurs troupes manœuvrent dans la plaine. La lance posée à terre porte une inscription : « Ferisce e sana » (« elle frappe et elle soigne », ou plutôt : « elle guérit celui qu’elle a frappé »). La citation désigne Achille[1] ; et à travers lui elle tend à héroïser à la fois les figures du frontispice, et le dédicataire du recueil. Mais rien n’interdit de lire en elle une vertu de la musique contenue dans les feuillets qui suivent.

 

[1] La légende de Télèphe, fils d’Héraclès, a été notamment transmise par Euripide, Properce ou Ovide : lorsque les Achéens débarquèrent en Mysie, Télèphe, qui tentait de les repousser, fut blessé à la cuisse par la lance d’Achille ; il ne put obtenir la guérison de sa blessure qu'en s'adressant à celui qui en était l'auteur.